Combattre les deux faces de la réaction!

Wafa Guiga

La colère gronde de plus en plus dans la société tunisienne contre le gouvernement rétrograde d’Ennahdha.

Népotisme, chômage, tortures, violences contre les femmes… la révolte s’organise, malgré la frilosité de certains dirigeants de l’opposition politique et syndicale

Le ras-le-bol se généralise contre Ennahdha, au pouvoir depuis un an. Les manifestations quasi-quotidiennes organisées par l’UDC (Union des diplômés chômeurs) et par les unions locales de l’UGTT sont de plus en plus fournies, pour dénoncer les « nouveaux Trabelsi ».

En effet, la même politique de mépris envers les couches populaires et les régions pauvres est à l’œuvre.

Le népotisme et la corruption aussi. Dans le bassin minier, les grèves, sit-in et manifestations n’en finissent pas contre les résultats toujours contestables des concours de recrutement à la Compagnie des phosphates et au groupe chimique. Depuis un an, le taux de chômage a augmenté, la pauvreté aussi.

Les conditions de vie et de travail se dégradent, et les autorités n’ont qu’une gestion policière de la crise, alimentant encore plus la colère populaire. Les derniers événements en date concernent l’arrestation et la torture de militants syndicaux et politiques à El Omrane, village situé dans la région de Sidi Bouzid. Certains garderont des séquelles irréversibles de ce séjour au commissariat. Des procès ont été intentés contre eux, ainsi que contre des militants dans les autres villes du bassin minier.

Cette gestion policière systématique des luttes sociales est équivalente à celle en œuvre sous Ben Ali.

S’y ajoute une atteinte de plus en plus fréquente et assumée aux droits des femmes, comme en témoigne le cas de la jeune femme violée par deux policiers et transformée en accusée par ses violeurs, avec la complicité des ministres de l’intérieur et de la justice et de différents élus d’Ennahdha. S’y ajoute aussi la tentative de bigotisation de la société, mise en œuvre par les salafistes en toute impunité. Face aux médias « occidentaux », les représentants d’Ennahdha sont obligés d’adapter leur discours. En interne, ils maintiennent leur politique rétrograde et la revendiquent, comme le montre l’attitude de Ghannouchi qui assume les vidéos qui circulent en ce moment lui attribuant une connivence claire avec les salafistes.

Le frère ennemi d’Ennahdha, Nidaa Tounes qui n’avance d’autre programme que le « modernisme » et concentre encore plus de RCDistes que le parti islamiste, se saisit de ces dernières révélations et du rejet grandissant du gouvernement islamiste afin d’alimenter sa campagne en vue des élections de 2013, avec le soutien des grandes puissances impérialistes.

Certains de ses membres n’hésitent pas à en appeler à l’armée pour « stabiliser le pays ».

Rejetant cette bipolarisation, différentes organisations de gauche se sont regroupées au sein du « Front populaire » qui se définit comme un front de lutte tout en se donnant comme objectif l’arrivée au pouvoir aux prochaines élections. Il s’appuie sur la colère populaire et les différentes mobilisations sociales pour fixer au 23 octobre (date anniversaire de l’arrivée des islamistes au pouvoir et à laquelle ils se sont engagés à le quitter) la fin de la légitimité du gouvernement, en promettant l’amplification des luttes et des mobilisations. Ses premières démonstrations de force (meeting et manifestations) sont des réussites.

La direction nationale de l’UGTT, quant à elle, se place dans un rôle de médiateur pour « aider à dépasser les divergences actuelles », et ce malgré l’opposition des militants et des directions locales. Ceux-ci, en cas de généralisation et de massification des luttes, pourraient comme en janvier 2011 la déborder et imposer une ligne de rupture avec le régime, donnant corps au nouveau slogan : « Ni Sebsi ni Ghannouchi, c’est la révolution des démunis ».

 

http://www.npa2009.org/content/tunisie-combattre-les-deux-faces-de-la-r%C3%A9action%E2%80%89