Pourquoi la charia et le Coran ne peuvent pas être source de la constitution ?

Fairouz Boudali

Plus de 70% des Tunisiens n’ont pas voté Ennahdha, et la moitié des 20% des Tunisiens qui ont voté pour ce parti, ne voudraient pas de la mise en pratique de la charia. Alors expliquez-nous, monsieur le député d’Ennahdha comment se fait-il que, comme par hasard, quelques mois après le travail de votre gouvernement, plus de la moitié des Tunisiens auraient fait volte face et, subitement,se mettent à vouloir la charia carrément ? Serait-ce parce que vous avez un travail tellement méritoire, genre relâcher des milliers de criminels pour augmenter l’insécurité et effrayer les Tunisiens pour mieux les contrôler ? Ou peut-être que le prédicateur Wajdi Ghouneim a tellement plu et convaincu les 8 millions de laïcs Tunisiens qu’ils changent brusquement d’avis et répondent oui à vos sondages bidons ? Depuis quand un sondage par internet est fiable ?

Personne ne garantit qu’une même personne ne peut pas refaire le même questionnaire encore et encore une centaine de fois, puisqu’aucune vérification d’identité n’est faite. Car le sondage sur lequel vous vous basez pour promouvoir l’institution de la charia comme source de législation de la constitution est le sondage que Mosaïque FM a publié le 22 février ; or il se trouve que c’est un sondage fait par internet ; sachant que plusieurs milliers d’internautes travaillent pour votre parti dans l’ombre, imaginez ce que cela donne quand on multiplie ce chiffre par quelques dizaines ! Alors de grâce, arrêtez vos mensonges ! Les Tunisiens ne sont pas dupes.

En effet les membres d’Ennahdha sont en train de faire campagne pour influencer l’opinion publique et réussir à faire adopter la charia comme source de la constitution, sans que la société civile ne sorte dans la rue comme d’habitude et l’empêche de détruire la Tunisie encore plus. En ce moment, nous assistons à un vrai matraquage : il ne se passe pas un seul jour sans que ce mot ne soit évoqué, que ce soit à la télé ou à la radio. Il faut dire qu’ils sont passés maîtres dans l’art de la communication et de la manipulation, et les techniques sont variées : à titre d’exemple, ce n’est plus le mot constitution qui est répété mais « législation » de la constitution, autrement dit « tachrii » du destour, mot de la même origine que charia !

Toutefois, si les Tunisiens ne veulent pas de l’application de la charia, c’est pour une raison bien simple : la charia n’a pas suivi le mouvement de la société et personne n’a cherché à l’adapter à son époque.Au contraire, on l’a utilisé pour maintenir un statu quo un peu trop confortable à sacrifier. Ainsi une question a rarement été évoquée : Pourquoi n’a-t-on pas banni la polygamie de la charia par exemple, puisque Dieu est catégorique au verset (128 ) de la sourate « les femmes » « vous ne pourrez pas être équitables avec les femmes, malgré tous vos efforts » ;autrement dit vous ne pouvez vous marier qu’avec une femme. Ce verset devrait-être la base de l’interdiction de la polygamie si les exégètes étaient vraiment intègres ; car c’est cela l’ijtihad que Dieu nous a demandé de faire, pour adapter la charia. Ce verset est une porte laissée par Dieu, pour que le moment venu, quelqu’un l’ouvre ou plutôt la ferme sur une injustice.

Mais qu’ ont fait donc les arabes ? Rien. Au contraire ; à croire que la polygamie est devenue le 6ème pilier de l’islam.

D’autre part, qui peut prétendre que tout le Coran a été compris et expliqué ? Personne ; le Coran n’a pas encore été déchiffré, et il ne le sera pas de notre vivant. C’est cela le miracle du Coran :il a plusieurs niveaux de compréhension, destinées à chaque époque. Or notre époque et les sociétés arabes n’ont pas fait un seul pas en avant dans la compréhension des sens profonds de Dieu :leur compréhension du Coran est la même que celle des premiers siècles de l’islam. Alors messieurs les députés nahdhaouis, dites-nous, comment peut-on mettre en pratique ce qu’ on n’a pas compris ?

http://nawaat.org/portail/2012/02/27/pourquoi-la-charia-et-le-coran-ne-peuvent-pas-etre-source-de-la-constitution/