Doustourna et les élections: nouvelles réflexions après les premiers résultats officiels

Doustourna est probablement la seule formation qui a gagné les élections à la constituante, car c’est la seule pour laquelle tous ceux (peu nombreux, en réalité)  qui l’ont choisie l’ont fait pour son projet de constitution. Tous les autres candidats, élus ou battus, se sont présentés à d’autres élections, avec des programmes politique plus ou moins sérieux, plus ou moins élaborés, avec des promesses plus ou moins réalistes, mais pas avec des projets de constitution. Celles qui ont avancé des idées un peu  construites en matière de constitution l’ont fait presque clandestinement, en les couvrant par des discours sur leur identité et leurs programmes  politiques, comme s’ils avaient honte de déparer au milieu du parterre des « grands » partis politiques.

Ainsi, les élections du 23 octobre ont été, pour la plupart des participants à la cérémonie, les premières élections politiques de la nouvelle ère. Les électeurs ne s’y sont pas trompés : d’abord ceux qui, en s’abstenant en très grand nombre (plus de 50%) ont sans doute exprimé leur méfiance à l’égard des partis politiques suspects de vouloir détourner  leur révolution : une analyse sociologique de ces abstentionnistes nous dira quelle est la proportion de jeunes et de femmes qui ont boudé la consultation, et si elle est importante, cela a une grande signification….  Ensuite, ceux qui ont voté l’ont fait sur la base des discours politiques : promesses politiques et sociales, affirmations morales ou décrédibilisation des adversaires, par des attaques de divers ordres ; dans cette situation, ceux qui paraissent les plus capables de tenir leurs promesses, ceux qui parlent au peuple son langage, ont gagné. Passons sur les tricheries : l’écart de voix entre Nahdha et ses concurrents est tel qu’elle n’o,t sans doute pas changé grand-chose pour les premiers, celle des autres candidats seront probablement sanctionnées.

Les élus négocient le partage du pouvoir,  les plus avisés d’entre eux ayant opportunément(et fort tardivement)  rappelé qu’il s’agissait d’écrire une constitution, excusant par avance leur incapacité à tenir leurs promesses : cela suffira-t-il à leurs électeurs ? Eux-mêmes semblent en douter, comme le montre leur volonté de diluer leurs responsabilités au sein d’un gouvernement d’union nationale. Les fuites quant aux alliances décidées, à la répartition du pouvoir entre les partis, voire à la distribution des portefeuilles ministériels alimentent une fébrilité craintive de beaucoup de citoyens.

Nous, à Doustourna, ne sommes pas concernés par ces bruissements. Nous avions dit qu’en cas de présence à l’ANC, nos élus ne participeraient à aucun marchandage, à aucune combinaison gouvernementale. Notre position n’a pas varié après les élections : nous ne voulons pas du pouvoir, et en tant que membres de la société civile, n’essaierons pas de participer au pouvoir, à l’instar de ces révolutionnaires de la Kasba qui n’étaient là que pour surveiller le pouvoir, lui présenter leurs revendications et s’assurer qu’elles seraient satisfaites. Nous n’avons aucune intention de nous transformer en parti politique et de guider les autres. Ces derniers sauront se défendre, ils l’apprendront et nous avec. Nous n’avons pas non plus l’intention, de nous fondre dans un parti ni même de faire des alliances avec des partis politiques, mais si nous nous trouvons côte à côte dans des luttes avec eux, nous nous en féliciterons.

Nous avons préparé collectivement un projet de constitution qui, d’après toutes les discussions que nous avons menées avec, nous paraît convenir à la volonté des jeunes révolutionnaire du 14 janvier, un certain nombre d’entre eux  a même activement  participé à son élaboration. Ce projet, nous continuerons à le populariser, à faire en sorte que de plus en plus de citoyens s’en emparent et fassent avec nous pression sur l’ANC pour qu’elle l’adopte. C’est là l’essentiel de notre combat. Mais ce n’est pas tout : nous plaçant résolument en état de vigilance permanente, nous dénoncerons avec vigueur toutes les atteintes aux libertés, aus droits des citoyens, toute décision contraire à l’intérêt ou la volonté populaires, toute violation de la démocratie, et nous lutterons avec tous ceux qui voudront le faire pour que le pouvoir n’abuse pas de sa position.

Il y a beaucoup à faire. Cette campagne électorale qui, plus que des électeurs, nous a fait gagner en grand nombre des sympathisants, des énergies qui veulent s’investir dans nos combats communs, nous a également donné une énorme responsabilité. Avec tous nos amis, nous trouverons les moyens de nous organiser afin de mener une action plus efficace encore au service du peuple.

publié sur Facebook  par  Gilbert Naccache le samedi 28 octobre 2011