Patrizia Mancini
Avec une pensée à toutes les victimes du 18 mars.
L’attaque au musée du Bardo du 18 Mars 2015 représente un tournant historique pour la Tunisie: jamais jusqu’aujourd’hui il n’y a-t-il eu d’attentat contre des civiles, jamais jusqu’aujourd’hui la ville de Tunis n’a-t-elle été au centre d’une attaque terroriste. Dans la ligne de mire des djihadistes jusque maintenant il y avait des policiers, des militaires et des membres de la garde nationale, ainsi que une soixantaine de victimes qui ont été tués au cours des affrontements directs avec les terroristes dans les alentours du Mont Chaambi, dans la région de Kasserine, déchirés par les mines ou pendant des embuscades dans d’autres régions de l’intérieur du pays (1).
L’attaque au Bardo ne semble pas avoir été mise en place par l’Isis: d’après le quotidien “Assabahnews” l’identité des deux terroristes, de nationalité tunisienne tués par le BAT (Brigade Anti Terrorisme), révélerait leur affiliation à Katiba Okba Ibn Nafaa, une branche de Al-Quaeda au Magreb, dont beaucoup de ces membres sont barricadés dans les hauteurs de Chaambi depuis plusieurs années, aux frontières avec l’Algérie. Il s’agit de Hatem Khachnaoui, originaire de Sbeitla et Yassine Laabidi, de la cité Ibn Khaldoun, périphérie de Tunis, comme l’à révélé le premier Ministre Habib Essid.
Au delà de la chronique, il devient urgent d’essayer de réfléchir sur ce que ça signifie pour le pays, ce nouveau scenario qui se présente, à partir du message hautement politique et polyvalent et que les terroristes ont voulu communiquer au peuple Tunisien: l’exécution des touristes représente un coup au cœur des activités touristiques de la Tunisie qui, dans le mal plus que dans le bien, ont représenté jusqu’à maintenant la source principal de revenue, mais la proximité du Musée Bardo au Parlement nous dit aussi que les terroristes ont voulu attaquer la transition démocratique Tunisienne qui malgré les disparités et les ombres du passée et certainement pas grâce aux partis politiques, était en train de se développer laborieusement, sous le regard attentif d’une société civile qui n’a jamais cessé de se faire entendre. Les trois parties au gouvernement (parmi lesquels le parti Islamique Ennahadha) font déjà du bruit contre les mouvements politiques et sociaux, en demandant d’arrêter les revendications économiques et sociales pour permettre aux appareils de la sécurité de se consacrer à la lutte contre le terrorisme sans perturbation.
Même dans ce cadre ces appareils démontrent beaucoup de points faibles: en réalité nous nous demandons comment des individus armés auraient pu entrer si facilement dans l’enceinte du musée. Mais nous nous posons aussi la question du pourquoi la police Tunisienne semble être plus efficace quand il s’agit de réprimer la jeunesse de la révolution ou de gifler des journalistes ou des avocats.
Il faut aussi considérer que pendant la journée du 18 mars le parlement se réunissait pour discuter la nouvelle loi anti-terrorisme qui aurait du montrer si les membres du parlement actuel auraient été capables d’unir les droits de l’homme avec la sécurité.
Un autre but atteint par les réalisateurs de l’attentat du Bardo, peut-être le principal, est l’occupation total de l’espace médiatique avec les conséquences, facilement imaginables, sur le reste des thématiques liées à la transition démocratique. Un mécanisme qui a déjà eu lieu ailleurs et dans d’autres périodes historiques.
En fait, la fragile démocratie Tunisienne a (avait?) à l’ordre du jours multiples points essentiels comme celui concernant la justice transitionnelle et l’organe responsable de la collecte de témoignages des abus commis sous les dictatures de Bourghiba et Ben Ali, l’Instance Verité et Dignité, alors que même le Président de la République Caïd Essebsi essaye de passer un coup d’éponge sur le passé à travers une soi-disant réconciliation nationale. Tel que la lutte contre la corruption, qui s’enracine au sein de toutes les principales institutions du pays ou le contraste entre l’exécutif et les associations de juges et d’avocats sur la formation du Conseil de la magistrature dans lequel le nouveau gouvernement voudrait insérer des éléments nommées par lui.
Mais l’un des plus grands dangers, annoncé il y a quelques jours par l’insipide Premier ministre Essid (un bureaucrate de l’administration de Ben Ali), est constitué par les mesures économiques qui vont bientôt être imposées dans un pays où les coûts pour rembourser la dette extérieure représentent 20% du budget de l’Etat, le double du budget, par exemple, du ministère de l’Intérieur, sans parler de la culture à la quelle il est adressé uniquement 0,64%.
L’insertion de la privatisation et des autres mesures ne porterons pas seulement à appauvrir les citoyens tunisiens, comme il est arrivé dans d’autres pays, mais pourrons initier dans le meilleur des cas des manifestations et des mouvements peut-être plus matures que les précédents, en même temps qu’une escalation de l’extrémisme religieux.
Ça serait le moment de retourner à réclamer une moratoire de la dette pour canaliser les ressources étatiques déjà limitées vers l’augmentation de la sécurité des citoyens, certainement, mais ainsi vers la réduction de la fracture sociale qui déchire le pays et qui n’a pas été atténuée par aucun gouvernement post-révolutionnaire. Car la défaite de la révolution tunisienne dérive principalement de ceci, c’est à dire de l’énorme espoir que la chute de la dictature avait crée parmi les classes sociales les plus marginalisés. Devant cette attente de justice et de dignité, une classe politique inconsciente et plus que médiocre s’est remplie la bouche de promesses non maintenues et n’a pas été capable de faire autre chose que de se diviser encore plus sur ces questions de pouvoirs et d’egos démesurés.
Une meilleure redistribution de la richesse, la mise en valeur des compétences juvéniles, mortifiées par l’indifférence des pouvoirs, le démarrage des projets pour un tourisme durable respectueux de l’environnement et qui se dirige aussi dans les régions de l’intérieur ensemble avec les grands défis de la justice de transition, de l’augmentation des droits et le commencement d’un dialogue avec les groupes salafistes non djihadistes les défiants dans l’arène démocratique, ceci sont seulement une part des questions non-reconnues jusqu’à maintenant par tous les gouvernements (et par une bonne partie de l’opposition).
Cela ne sera pas facile, mais à partir de demain, quand les projecteurs de l’Occident s’éteindront de nouveaux sur ce petit pays et l’émotion pour ce qui c’est produit (inimaginable pour beaucoup, mais prévisible pour d’autres) s’atténue, ce sera aux citoyens et aux citoyennes de la Tunisie de reprendre dans leurs mains leur propre destin, démontrant à qui a voulu toucher au cœur d’une démocratie naissante de ne pas avoir peur et d’aller en avant, sans écouter le chant faux des sirènes locales qui voudraient le retour de la dictature.
Entre temps la prochaine semaine, malgré ce qui c’est produit, se déroulera pour la deuxième fois en Tunisie l’activité du Forum Social Mondial: le meilleur signal, peut-être, pour repartir en force.
(1) à lire :https://inkyfada.com/maps/carte-du-terrorisme-en-tunisie-depuis-la-revolution/
L’article en italien a été publié ici le 19 mars 2015: http://www.tunisiainred.org/tir/?p=5143
Traduction de l’italien par Louise Bechetrit
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